Dans mon métier, je suis souvent amené à répondre à une question qui paraît simple: « Quel statut de société choisir, SARL, SAS? » Vous voulez un scoop? Je répond invariablement: « Ça dépend… »
Parce que oui, le statut juridique qui vous convient dépend totalement de paramètres qui vous sont totalement personnels. Quelle est votre activité? Quelle est la taille de l’entreprise que vous envisagez? Quels sont vos moyens financiers? Quels sont vos attentes personnels en terme de souplesse, crédibilité et protection sociale?
Vous seul pouvez répondre à cette question cruciale, le tout c’est d’être bien informé des différentes options qui s’offrent à vous. Ici, nous traiterons plus particulièrement de la SARL et de la SAS. Et surtout, pourquoi nous voyons fleurir de plus en plus de SAS dans notre paysage entrepreneurial français. A l’heure actuelle, 34% des entreprises créées le sont sous forme de société, loin devant les 26% d’indépendants – hors micro-entrepreneurs qui raflent le haut du tableau avec 40%. (source: INSEE)
Pourquoi un tel engouement pour les sociétés? Les deux formes juridiques les plus courantes pour les sociétés sont la SARL et la SAS. Ne croyez pas que ce soit les seules, il en existe nombre d’autres mais bien souvent dédiées à telle ou telle profession réglementée. C’est donc à ces deux stars que nous allons consacrer cette article. La SARL, toujours championne incontestée et la SAS qui vient chatouiller sa position de leader.
SARL, SAS, qu’est-ce que c’est?
SARL et SAS sont des sociétés. Il s’agit d’un contrat passé entre différentes personnes morales ou physiques (d’autres sociétés ou des individus) en vue de la poursuite d’un but commun (monter un business et faire des affaires). Une fois la société créée, elle deviendra une personne morale à part entière, c’est-à-dire qu’elle aura une responsabilité juridique.
La SARL, travailler avec des associés
En SARL – Société à Responsabilité Limitée -, la société se monte entre des associés. Chaque associé est d’ailleurs autorisé à travailler pour la SARL, bénévolement s’il ou elle le souhaite. Chaque associé aura apporté (les fameux apports!) quelque chose au pot commun pour constituer le capital de la société, son budget pour démarrer dans la vie. Les apports peuvent prendre bien des formes mais ce n’est pas le sujet de cet article. Retenez simplement qu’ils permettent ensuite de fonctionner comme une sorte de démocratie censitaire. Les décisions seront prises en commun, le poids de chacun dans la décision étant directement corrélé à son apport, les parts détenues du capital de la société. Basiquement, plus vous avez apporté à la création de la société, plus vous aurez de voix lors des prises de décision.
Par la suite, si la SARL souhaite intégrer de nouveaux associés, elle devra s’attendre à modifier ses statuts – le fameux contrats qui lie les associés. Cette procédure entraîne quelques frais liés aux enregistrements aux greffes.
La SAS, travailler avec des actionnaires
En SAS – Société par Actions Simplifiées -, la société se monte entre des actionnaires. La constitution du capital tout comme le mode de gouvernance sont similaires à ce qu’on retrouve en SARL. Le but est surtout de permettre aux actionnaires d’adopter un fonctionnement se rapprochant de celui d’une SA – Société Anonyme. Autrement dit, de faciliter les échanges et émissions d’actions. Les actions sont l’équivalent des parts dans une SARL, ce que la société a distribué en échange des apports qui ont constitués son capital social.
Et pour intégrer de nouveaux actionnaires me direz-vous? Pour la SAS, c’est beaucoup plus simple que vous la SARL. Nul besoin de modifier les statuts à tout bout de champs, chaque nouvelle entrée d’actionnaire peut faire l’objet d’un simple pacte d’actionnaires qui viendra s’annexer aux statuts de la société. Plus de souplesse, moins de frais liés à une augmentation de capital.
SARLU et SASU, travailler seul
N’oublions pas que – même si les formes de sociétés sont initialement dédiées aux projets réunissant plusieurs personnes – il est tout à fait possible de créer une société seul.
On parle alors de SARLU – Société A Responsabilité Limitée Unipersonnelle -, la fameuse EURL. Pour la SAS, c’est tout simplement la SASU – Société par Actions Simplifiées à actionnaire Unique. L’une comme l’autre pourra d’ailleurs par la suite accueillir de nouveaux associés ou actionnaires. Nous l’avons vu, un peu plus facilement dans le cas de la SAS.
Principale différence, le statut du dirigeant
La principale différence entre la SARL et la SAS, c’est le statut du dirigeant. Vous allez voir que ce n’est pas du tout la même chose et que s’il y a un point qui peut emporter votre choix, c’est sans doute celui-là. Dans les deux cas, le ou la dirigeante est investi de pouvoir étendu dans la gestion de l’entreprise par la communauté des associés ou actionnaires.
Le gérant majoritaire de SARL
Le TNS, Travailleur Non Salarié
En SARL, il est très courant d’avoir en dirigeant un gérant majoritaire. Il s’agit d’un ou d’une associé-e disposant d’au moins 51% des parts du capital social qui prend le rôle de dirigeant-e. Être gérant majoritaire de SARL signifie être au statut TNS – Travailleur Non Salarié. En tant que tel, la rémunération peut-être choisie librement chaque mois (on parlera d’appointements). Les cotisations sociales seront à verser trimestriellement au RSI – Régime Social des Indépendants -, et seront calculées sur la base de la rémunération versée.
Sans rentrer dans une évaluation extrêmement précise des cotisations sociales à verser, voyez ça sur le site du RSI. Vous pouvez partir du principe que pour qu’il touche 1000€ net, l’entreprise aura du débourser environ 1500€ pour rémunérer son gérant majoritaire.
Le RSI, Régime Social des Indépendants
La protection sociale selon le RSI apparaît à beaucoup d’entrepreneurs comme particulièrement injuste. Et pour cause! Même si en cas d’hospitalisation le délai de carence – nombre de jours avant que votre indemnisation ne démarre – est de 3 jours, il est de 7 jours en cas de maladie ou d’accident. Autrement dit, vous n’avez que peu de chance de voir arriver une indemnité journalière en cas de maladie, même pour une bonne grosse grippe. Le montant minimum de l’indemnité journalière est de 5,29€, et encore, si vos revenus de l’année précédentes ont dépassé les 3000€. Le montant maximum est lui de 52,90 si votre revenu annuel précédent atteint 38600€. On parle bien de revenus, pas de chiffre d’affaires. Et on parle bien de celui de l’année précédente. Dans tous les cas, vous ne pourrez pas bénéficier de plus de 360 jours de prises en charge sur une période de 3 ans. Bref, même si la prise en charge fonctionne plutôt bien en cas d’accident entraînant une hospitalisation de quelques mois, vous ne pourrez pas vous la couler douce avec les indemnités journalières. Rappelons que pour une période de 30 jours, elles se situeront entre 158,70€ et 1587€, largement de quoi tenir pendant que votre activité est en berne! (source: RSI, chiffres 2016)
Il est heureusement possible de souscrire à des assurances complémentaires privées pour améliorer cette protection sociale que beaucoup considère défaillante. La Loi Madelin, bien connue des comptables, permet d’ailleurs de faire passer ces frais de complémentaire directement dans les charges de la société.
Le président actionnaire de SAS
Assimilé salarié, un statut un peu à part
En SAS, le dirigeant est appelé président. Il est – le plus souvent – actionnaire ou non de la SAS et, à ce titre, sont statut professionnel est celui d’assimilé salarié. On parle d’assimilé salarié parce que ce statut professionnel, bien que reposant sur de nombreux aspects du salarié de droit commun s’en écarte sur plusieurs points. Déjà, pour mettre tout le monde à l’aise, un assimilé salarié ne cotise pas au chômage – bon, ce n’est pas le cas du gérant majoritaire de SARL cela dit. Contrairement à n’importe quel salarié, il ne dispose pas de 5 semaines de congés payés. Certains diront que c’est parce qu’il est toujours sur le front et qu’il n’a pas de vacances, d’autres – plus persifleurs – que c’est parce qu’il peut partir en vacances quand il veut et aussi longtemps qu’il veut! Il peut être payé à n’importe quel tarif horaire tant que ce n’est pas en-dessous du SMIC, par contre, il sera toujours considéré comme un cadre et ne bénéficiera donc pas de la plupart des remises sur les cotisations sociales liées à la rémunération. On lui verse chaque mois un salaire net et les cotisations sociales sont versées tous les trimestres à l’URSSAF.
Alors, combien ça coûte à l’entreprise tout ça? Sans surprise, pour que le président touche 1000€ net, l’entreprise doit débourser plus qu’en SARL, à savoir dans les 1850€.
L’URSSAF, le régime général des salariés
Mais là où on peut y voir un avantage, c’est qu’en tant qu’assimilé salarié, la protection sociale est la même que celle des salariés. L’URSSAF et le régime général de la sécurité sociale vous assure une retraite de cadre et des délais de carences avant une prise en charge qui sont les mêmes pour tous les salariés, 3 jours. Voir mieux si quelque chose a été négocié dans votre entreprise… enfin, si elle en a les moyens, évidemment!
Vous ai-je dit qu’il était également possible de cumuler ce poste de président avec un contrat de travail de droit commun dans l’entreprise? Sous certaines conditions à bien étudier au préalable, ce second contrat vous permettra, lui, de cotiser au chômage! Alors oui, c’est plus cher, mais les avantages sont là.
Le cas du gérant minoritaire de SARL
Dans le cas où le gérant de la SARL serait minoritaire, moins de 50% des parts, il serait automatiquement affilié au régime des assimilés salariés. Et pour celles et ceux qui se posent la question, si le gérant détient tout juste 50% des parts, c’est à lui de décider s’il veut être traité en gérant majoritaire ou minoritaire. Et dans le cas d’une gérance, on totalise les parts détenus… mais là je m’écarte du sujet.
Les statuts, cadre de la SARL, liberté de la SAS
Les statuts, c’est le contrat qui lie les différents associés en SARL et les actionnaires en SAS. Vous devez bien les connaître, c’est eux qui dicteront les modalités de prises de décision en commun. C’est eux qui font état de la contribution de chacun au capital de la société naissante. C’est eux qui rappelle le formalisme administratif que doit respecter la société.
SARL, un cadre bien défini
Les statuts de la SARL sont strictement cadrés par la loi. Prédéfinis, vos possibilités de personnalisation sont quasi nulles. Basiquement, vous définirez l’objet de la SARL, son secteur d’activité. Attention à ne pas être trop restrictif quand on définit son objet, vous ne voulez pas avoir à modifier vos statuts pour pouvoir répondre à une nouvelle opportunité de marché. Vous indiquerez les noms et adresses des différents associés. Et pour finir, vous comptabiliserez les apports de chacun pour la constitution du capital.
Ne vous laissez pas embobiner par une prestation de rédaction de statuts de SARL, il n’y a vraiment pas grand chose à « rédiger » mais plutôt de compléter les blancs. Sauf si le montage de votre capital est complexe – avec des apports en nature ou en industrie à comptabiliser par exemple -, il est plus que probable que vos statuts seront prêt très rapidement. Vous pouvez très probablement convaincre un comptable de vous offrir cette création de statuts de SARL en geste commercial.
SAS, la liberté de définir son mode de fonctionnement
Les statuts de SAS, c’est une autre affaire! Eux, ne sont cadré QUE par la loi. Autrement dit, tout ce qui n’est pas interdit est autorisé! Vous pouvez donc envisager des montages beaucoup plus complexe avec des droits variables attachés aux différentes actions.
Cette complexité sous-entend surtout qu’il vous faudra prévoir un budget pour leur rédaction. Bien sûr, vous pourriez sélectionner un modèle sur internet et ne rien modifier de ce qu’il contient. Mais vous perdriez alors l’intérêt d’avoir des statuts sur-mesure.
Retenez surtout que ces statuts vous permettront de définir les éléments liés à la création de l’entreprise mais aussi ceux ayant trait à son évolution, notamment l’intégration de nouveaux actionnaires. Ce n’est pas pour rien que les startup et les entreprises visant l’investissement privé privilégient les SAS.
Attention aux coûts de fonctionnement et de création
Les coûts de création et de fonctionnement diffèrent d’une SARL à une SAS. Gardez bien à l’esprit que – globalement – une SAS coûte plus cher qu’une SARL.
La SARL, un statut peu gourmand
La SARL n’est pas très gourmande en frais de fonctionnement. Si votre comptable n’est – lui-même – pas trop gourmand, vous n’aurez qu’à vous acquitter des débours lors de la création. Ainsi, en dehors des coûts d’enregistrement aux greffes et de publication légale, nombre de professionnels ne vous demanderont pas de frais supplémentaires.
Ensuite, les formalités administratives en cours de vie de l’entreprise ne sont pas très nombreux. En dehors de la convocation des associés à l’assemblée générale et la rédaction du rapport de gestion, les SARL ne sont que peu sujettes aux formalités administratives.
La SAS, des coûts de comptable supérieurs
La SAS est, en règle générale, plus coûteuse à créer et à faire fonctionner. Ne serait-ce que la rédaction des statuts peut entraîner une dépense allant de 500 à facilement 5000€ en fonction de leur complexité et du professionnel auquel vous faites appel. Ensuite, les formalités administratives notamment en terme de documents retraçant la gouvernance de l’entreprise sont assez lourdes. Comme tout défaut dans le suivi administratif strict de la société est assimilé à une faute de gestion, il est plus que conseillé d’en confier le suivi à votre comptable. Suivi qui, évidemment, n’est pas gratuit.
Voilà, vous savez (presque!) tout sur les différences entre SARL et SAS. Bien souvent, pour les indépendants, le choix de s’installer en SASU s’apparente à un ras-le-bol du RSI. Un bon moyen d’être assimilé salarié affilié à l’URSSAF. Toutefois, attention avant de franchir le pas. Vous devriez chiffrer intégralement l’impact d’un tel changement sur les finances de votre entreprise. N’hésitez pas à comparer la protection sociale qui vous serez offerte en SAS avec le coût des assurances complémentaires privées en SARL.