L’infantilisation au travail est un sentiment largement partagé par les salariés, aussi bien dans le privé que dans le public. Mais pourquoi les entreprises s’acharnent-elles à nous traiter comme des enfants? Dans un entretien donné à l’UsineNouvelle, Eric Albert, fondateur de l’institut français d’action sur le stress, revient sur ce qui – selon lui – est la source de cette infantilisation.
Qu’est ce que c’est l’infantilisation au travail?
Il s’agit de cette tendance toujours plus généralisée et envahissante de cadrer fermement et micro-manager les salariés. L’entreprise a tendance à traiter ses salariés comme des enfants irresponsables qu’il faut cornaquer à chaque instant.
Lorsque les règles de l’entreprise déterminent chacun de vos gestes, brident vos initiatives, vous détaillent par le menu comment vous devez effectuer le boulot pour lequel vous avez été embauché… Elle vous dit une chose: tu n’es pas apte à faire cette tâche de manière autonome. Et en faisant passer cette idée, elle vous dit également très clairement qu’elle n’a pas confiance en vous!
Je pense que le goût pour la règle traduit surtout un aveu d’impuissance à faire confiance aux acteurs, à leur capacité à trouver des solutions mais aussi à la capacité des dirigeants de les convaincre d’aller dans le bon sens. Dans ce contexte, on préfère imposer une règle d’en haut à tous.
Le manque de confiance première source de mal-être au travail
C’est cette impression qu’on ne nous fait pas confiance qui engendre – bien souvent – un sentiment diffus de mal-être au travail.
Comme on n’a pas confiance dans les individus, on les serre, on les cadre, on les infantilise effectivement. Cela crée un effet de système. Infantilisées, les personnes finissent par se comporter comme des enfants. Le jour où on leur fera confiance, ils montreront qu’ils ont le sens des responsabilités.
Mais alors, si ce manque de confiance est si dommageable pour les salariés et pour l’entreprise, pourquoi perdure-t-il?
L’infantilisation, un moyen pour les managers de se rassurer
Si ce système est tant généralisé c’est qu’abuser du cadrage, des reporting et des règles est une excellent manière pour un manager de se sentir rassuré dans son travail. Ces techniques dommageables pour l’entreprise lui donne un sentiment de contrôle sur la situation. Le contrôle n’est pas effectif, les salariés finissant par agir comme des enfants puisqu’on les traite comme tel. Mais ce qui importe, ce n’est pas le contrôle effectif, c’est le sentiment de contrôle!
Les outils de reporting donnent l’illusion de contrôle. En psychologie, on sait depuis longtemps que ce qui compte ce n’est pas le contrôle que l’on possède effectivement mais l’impression qu’on a de l’avoir. Les dirigeants répondent aussi à l’exigence des actionnaires qui pensent que s’ils ne contrôlent pas, tout partirait à vau-l’eau.
Et vous, vous avez déjà eu à subir ce type de management infantilisant? Ou au contraire, vous avez la chance d’être dans une boîte qui valorise la confiance dans ses salariés? Partagez votre expérience dans les commentaires!
Source: usinenouvelle.com
Bonjour,
Je suis intérimaire btp gros oeuvre depuis plus de 10ans, et je vous confirme que cela va de pire en pire dans ce domaine.
La palme d’or reviens aux 3 soeurs. (bouygues, eiffage, vinci).
Dans mon domaine, ce processus d’infantilisation se fait principalement par l’instrumentalisation de la sécurité au travail.
Les équipement de protection en btp sont les suivants :
-Casque
-Gants
-Bouchon anti-bruits (babs)
-Lunettes
-Chaussures de sécurités.
Ces équipements nous sont imposés en permanence. C’est à dire qu’on nie à l’ouvrier sa capacité à lui même gérer le risque de la tache qu’il va exécuter.
Voire l’évaluation de la nécessité de les porter ou non.
Prenons les babs. Imposition de les porter en permanence, même lorsque non nécessaire. Résultat, quand quelqu’un vous parle vous comprenez rien. Imaginez si il y a un danger, un truc qui tombe, quelqu’un qui crie attention, bha vous avez rien entendu.
Les babs sont utiles certaines fois quand il y a vraiment du bruit Marteau piquer, coup de marteau sur du métal (banches) par exemple. Mais pas toute la journée.
Les lunettes de sécurités c’est pareil, seuls quelques postes ponctuels les nécessites.
Mais là, non, on nous donne le message.
-Toi maçon, toi abrutis, moi penser pour toi ce qui est bien pour toi.
J’apporterai donc plusieurs théories à cela.
-La première est évidente, il s’agit d’outil pour rendre les ouvriers « dociles ».
Quand une entreprise veut délocaliser, elle ne regarde pas seulement le cout de la main d’œuvre mais aussi un autre paramètre « la docilité des ouvriers autochtones ».
Cela fait parti de toute une panoplie de management en ressource humaines. Comme isoler les ouvirers au maximum etc..
-Une autre, rejoins votre édito.
Lorsque j’ai commencé dans mon métier. Bien souvent mon chef avait commencé comme manoeuvre, puis ouvrier, chef d’équipe etc…
Ce qui signifie, qu’on était dirigé par quelqu’un connaissant le métier mais aussi sa dureté. Il avait donc l’expérience nécessaire pour comprendre par exemple l’utilité mais aussi la contrainte des équipements de sécurités quand ils sont portés inutilement.
Aujourd’hui les chefs sont recrutés sur diplômes. Certes, ils font des stages pendant leur formation mais c’est anecdotique dans leur cursus et puis les employeurs ont plus de facilité avec des jeunes diplômés qui sortent de l’école (malléable) qu’avec un vieux de la vieille pour imposer leur vues.
Comment peut faire un petit jeune pour se faire obéir d’un ouvrier d’expérience afin d’imposer les désirs de son patron dont il a peur ?
Super, y’a la sécurité. Très facile de dire, attention et si jamais ceci ou cela tu risques un accident et patati patata.
Comme si l’ouvrier était trop con, pour connaître les dangers de son poste de travail.
Il utilise un phrase très connue pour tout et n’importe quoi « C’est interdit ! « .
Imaginons, que vous soyez chez-vous en train de changer un ampoule debout sur une chaise. Rien d’extraordinaire.
Faites cela sur un chantier de maçonnerie. Aussitôt vous allez entendre crier, attention si jamais tu tombes
tu vas te faire mal. Il faut mettre un garde corp etc….
Il y a donc de plus en plus une barrière entre le niveau cadre et le niveau ouvrier. Désormais ce sont deux mondes différents.
Cela permet via la caste des cadres d’avoir une zone tampon entre l’ouvrier et l’employeur.
Ce qui est parfais, l’information descent ou plutôt est imposée et rien ne peut remonter pour contredire.
-Une autre théorie est un peu tirée par les cheveux, je l’accorde d’avance.
Il s’agit de l’image.
J’attribue ce nouveau paramètre au poids de plus en plus croissant des femmes dans la société et donc de leur sacro-saintes
valeurs, comme l’image de la femme (qui en soi est un contre-sens). Le paraître.
Regardez mes ouvriers comme ils sont beaux déguisés en playmobil.
J’ai donc eu droit, maçon de métier à me faire harceler car j’ai souvent des tee-shirt troués.
Vu mon métier, je vais pas acheter des tee-shirts neufs pour bosser, au contraire, c’est les pourris que je porte.
D’autant que c’est de ma poche !
Il y a donc une concurrence entre les 3 soeurs à qui va rendre ‘l’image’ de son entreprise, et donc de ses ouvriers la plus jolie.
Cette image n’est pas qu’esthétique, elle est aussi un paraitre de qualité qui se fait par un concours de sécurité à qui fera le plus.
Parfois j’imagine un ponte de chez bouygues qui découvre que chez Vinci ils imposent le port de lunettes de sécurités en permanence.
-Comment ! faut qu’on fasse mieux qu’eux !
-A partir de maintenant non seulement nos ouvriers (outils) porteront des lunettes de secu en permanence mais on fera mieux que Vinci, ils porteront aussi des bouchons anti-bruit en permanence !
et vice et versa.
-Une autre théorie, c’est le phénomène de subir et reproduire.
Je prendrais un exemple vécu. Il y a une entreprise pour laquelle j’avais travaillé plusieurs fois en intérim.
C’est une entreprise que j’aimais bien, car il y avait une bonne ambiance assez conviviale et des conditions de travail assez correctes.
Plusieurs mois plus tard j’y suis retourné et l’ambiance avait complètement changée.
Cela fait drole de voir un chef de chantier correct devenir con et agressif.
En fait cette boite avait changé de patron. Elle est passé d’un patron à l’esprit convivial à un jeune con de fils à papa qui n’y connait rien en batiment mais
qui veut des chiffres.
J’ai donc pu vérifier plusieurs fois, que l’ambiance générale au sein d’une entreprise est fortement lié à l’état d’esprit du patron.
Il y a un phénomène de subir et reproduire.
D’ailleurs vous en parlez en filigrane en remontant la piste jusq’aux actionnaires.
C’est dommage car je pense que ce n’est pas assez haut.
Mangez 5 fruits et légumes par jour, dit la voix à la radio.
Evitez de manger gras, salé et sucré dit une autre.
Prenez un mensonge, répétez le ce sera un mensonge, répétez le dix fois, cent fois, ce sera toujours un mensonge. Mais répétez le 100 000 fois, ce sera vérité.
baba de la propagande. Aujourd’hui la frontière est floue entre propagande et communication, en fait avec ces exemples, je n’en voie pas.
Nous sommes dans la manipulation par martellement.
Le legislateur qui a pondu ces loi de communication, s’adresse-t-il a des citoyens responsables ou a des enfants qu’il faut drésser.
La aussi les choses ont évolués, nos politiques sont coatchés par des conseillers en communication.
Je n’irai pas plus loin car cela va dépasser le cadre, mais très souvent lorsqu’un texte des politiques est constestés n’entends-t-on pas souvent cette jolie
phrase : « le texte est bon (blabla blabla), on a mal communiqué, les français ont mal compris ».
En gros l’infantilisation ne s’arrête pas aux actionnaires mais on peut remonter plus haut, jusqu’au niveau européen à mon sens (voir certaines campagnes de com de l’ue).
Et donc le subir/reproduire s’applique.
Je pense que c’est pas mal pour l’instant..
Je vous invite à aller visiter un chantier Bouygues.
Vous aurez l’impression d’être à dysneyland.
Envie de vous laver les mains ? Un joli panneau avec inscrit « j’économise l’eau » devant le lavabo va vous acceuillir.
Pour le réfectoire, il ne manque qu’un panneau ‘mangez 5 fruits et légumes par jour » et ce sera parfait.
Vous y verrai des créatures byzarres, comme un ouvrier avec casque+masque+bab+lunettes+gants en train de balayer une dalle de béton en plein air sous la canicule.
1. Docilité.
Tout à fait d’accord, la docilité est un facteur important, ça nous renvoie d’ailleurs à la médiocratie et à ceux qui ne savent pas être docile.
http://guide-du-debrouillard.fr/mediocratie-mediocres-au-pouvoir/
2. Management diplômé au lieu de management compétent.
Là aussi, j’abonde dans votre sens. Pourtant, pour les salariés, un management de compétence est généralement bien plus agréable au quotidien ET il améliore la productivité. Il fait sans doute prendre trop de risque en terme de rentabilité et de responsabilités au niveau de l’actionnariat. Débat beaucoup plus vaste.
3. La guerre d’image
Moi, en tout cas, vos arguments me convainquent.
Toutefois, je ne l’attribuerai pas à une plus forte présence des femmes dans l’entreprise. Les entreprises se sont de tout temps préoccupées de l’image qu’elles véhiculent.
Et malheureusement la « propreté » de leurs ouvriers comptent pour beaucoup et doit jouer lors des appels d’offre de marchés publics.
4. Les exigences du patron modèlent le management
Encore une fois, je partage votre avis. Même si certains individus malsain peuvent se retrouver dans une position de management avec une responsabilité individuelle dans ce qu’ils font subir à leurs subordonnés. Bien souvent, il s’agit d’exigences venues du sommets de la hiérarchie. Généralement en s’assurant d’être protégé des retombés.
L’infantilisation est effectivement présente à de nombreux échelons de la société. On la retrouve en politique. On la retrouve aussi dans la presse et les médias. Amateur de jeux vidéo depuis de nombreuses années, je peux vous assurer que de ce côté là aussi l’infantilisation est en marche. Certains extrémistes vont jusqu’à dire que nos appareils technologiques renforcent encore cette infantilisation en nous simplifiant la vie à outrance!
Je travaille dans un hôpital…
C’est typiquement notre management.
Les esprits qui s’eveillent sont mis au pilori.
Le leitmotiv : on pourrai avoir une plainte à cause de votre comportement…
On repproche aux salariés d’aller voir les syndicats pour connaître leurs droits avant d’aller voir leur encadrement. Ils se font taper sur les doigts une fois et préfèrent rentrer dans le rang, et la confiance qu’ils ont en leur cadre est donc biaisée. La peur de l’autorité à pris le dessus sur leur autonomie.
Comment être bien dans ses baskets quand on doute de la bienveillance de sa hiérarchie?
Le système est malade! C’est drôlement paradoxal pour les hôpitaux.
Qui peut changer les choses?
Merci pour votre article que je cherchais depuis quelques mois… je m’inscris à votre liste de diffusion!
Merci pour votre témoignage. Nous avons tou·te·s besoin de constater que nous ne sommes pas seul·e·s face à ce problème. L’infantilisation s’est vraiment généralisée et ses effets délétères sont dommageables, particulièrement dans des secteurs critiques comme celui de la santé.
2 articles qui peuvent peut-être se révéler utile pour mieux gérer une hiérarchie devenue folle:
Comment gérer une hiérarchie un peu trop envahissante: http://guide-du-debrouillard.fr/top-10-techniques-faire-bien-voir-par-son-chef/
Et, sous un titre provoc, une méthode pour reprendre le contrôle de la gestion des priorités dans son métier: http://guide-du-debrouillard.fr/comment-maitriser-art-paraitre-occupe/
Je travaille en tant que juriste dans la fonction publique et l’infantilisation est ce que je suis en train de vivre de la part des supérieurs. Ca va jusqu’à des rabaissements sournois et le problème, c’est que tout le monde trouve ça normal, sauf moi. Mes autres collègues en rajoutent même une couche qui va dans le sens du supérieur hiérarchique. Aujourd’hui, j’ai réagi à une réflexion d’un directeur, je lui ai dit que sa réflexion sur ma taille était débile. Les autres ont poussé des cris de choc, face à ma réaction et se sont même moqués de moi. De mon côté, je sens que ça m’a fait un bien fou de m’affirmer face à un directeur. On n’a pas à accepter des abus, même si minimes, de la part de ces gens-là. Ils en profitent et je trouve ça grave!
Merci de partager votre vécu avec nous.
En cas de remarque déplacé, la meilleure réaction possible reste encore de le dire immédiatement. Rappelez à votre interlocuteur qu’il s’adresse à un adulte.
J’espère que votre situation professionnelle s’améliorera, ce genre de situation est extrêmement difficile à vivre.
J’ai 55 ans travaille à l ‘APHP depuis 26 ans et je déplore depuis quelques années ce management Nous sommes traités comme des enfants et très souvent maltraités
On décourage le personnel surtout celui qui à une conscience professionnelle mais on n’ose rien dire aux fortes têtes qui font ce qu’elles veulent car les cadres ont peur
L’hôpital c’est du grand n’importe quoi entre injustice infantilisation et stress ou est passée notre mission de service pour les patients je ne comprends plus rien…
Bonjour,
Très bon article. Ca fait longtemps que je me demande pourquoi l’organisation du travail se dégrade aussi rapidement et à quoi ça rime car je trouve les méthodes de management carrément anti productives et démotivantes. Je ne comprends pas où est l’intérêt. Pourtant il doit y en avoir un si on s’obstine à les appliquer.
Je suis analyste-programmeur en informatique de gestion. Dans mon dernier poste qui n’a duré qu’un mois, j’ai expérimenté une forme d’organisation dénommée « l’usine logicielle ». Le processus de développement et le cycle de vie d’un logiciel est organisé comme pour une chaîne d’assemblage automobile. Chaque étape est découpée en tâches unitaires exécutées par un intervenant. Mon poste d’analyste-programmeur, je l’ai partagé avec un collègue plus ancien dans la boîte : Il faisait l’analyse et moi je recopiais le document word qu’il m’envoyait : « remplacer le test IF de la ligne 55 par … » etc.
Aucune autonomie possible. Pas d’initiatives à prendre, pas de problème à analyser et même pas la moindre question à poser puisque tout est mâché. Un périphérique humain de niveau BAC+2 accroché à un clavier, voilà ce que j’étais.
A force d’enchaîner pendant des années des postes tout aussi passionnants, je suis devenu un serial démissionnaire. Aujourd’hui, j’hésite vraiment à postuler. Le ton des annonces et la surenchère des compétences demandées par rapport au travail réel me fait vomir. Désormais, je me sens de plus en plus incapable de jouer la comédie du professionnel motivé et « force de proposition ».
A la radio, j’entends parfois des chefs d’entreprises se plaindre de ne pas trouver de candidats . A mettre en perspective.
Dévaluation des métiers et des diplômes, sur-représentation des managers, inflation des « indicateurs » de performance, de personnalité, de temps passé, voilà tout.
Merci pour le compliment et pour votre témoignage !
Effectivement, nombreux sont les salariés (tous secteurs confondus) à ressentir cet « objectification ». C’est dramatique car cela engendre une perte de sens qui pèse lourdement sur notre moral. C’est une des principales raisons qui poussent nombre de salariés à se tourner vers la création d’une entreprise et l’indépendance. Troquer un employeur contre des clients n’a pas que des avantages mais permets au moins de ne pas s’enliser dans des relations professionnelles toxiques.
Il y a des techniques pour repérer à l’avance si votre futur employeur risque d’être aussi pénible que les précédents, je vous conseille particulièrement cet article : http://guide-du-debrouillard.fr/10-questions-a-poser-lors-dun-entretien-dembauche/
Et si vous vous retrouvez coincé dans un job particulièrement décevant, je vous recommande quelques astuces pour le supporter plus facilement : http://guide-du-debrouillard.fr/comment-maitriser-art-paraitre-occupe/
Pour aller plus loin concernant les mauvaises ambiances de travail, je vous conseille ces deux articles :